Stage aux Archives départementales de l’Eure

N’ayant jamais travaillé au sein d’un service d’archives territoriales, j’ai choisi d’effectuer mon stage cette année dans des Archives départementales et plus particulièrement celle de l’Eure, en raison des missions qui m’étaient proposées.

Traitement d’un fonds

La mission principale de ce stage a été le traitement du fonds d’archives privées de l’abbé Jean Saussaye, coté en 81J : celui-ci comportait ainsi ses archives ecclésiastiques, mais aussi tous les documents produits dans le cadre de son œuvre pour la défense et mise en valeur du patrimoine de l’Eure. Ce fonds n’ayant jamais été traité, il a donc fallu que je m’occupe de trier les documents, documenter la carrière de l’abbé, établir un plan de classement, l’appliquer, rédiger un instrument de recherche. Enfin, j’étais chargée d’identifier, de décrire et de conditionner les photos de l’abbé, cotées en 38 FI.

La salle de tri où je travaillais © Anne-Lise Jamier

Voici quelques particularités des fonds que j’ai traité, et les problématiques qu’ils ont soulevées :

Se renseigner sur l’historique du producteur est nécessaire pour établir le plan de classement, et par la suite l’instrument de recherche, et ce travail l’a très bien prouvé. Je disposais d’une petite biographie de l’abbé, qui me permettait de connaître les activités qu’il avait menées et d’établir un premier plan de classement sommaire, mais tout cela manquait de précision. Ainsi par exemple, les fonctions qu’il avait occupées, notamment en tant qu’homme d’église, restaient assez obscures. La documentation s’est donc faite en consultant les quelques hommages et nécrologies que j’ai pu trouver, en effectuant des recherches sur le fonctionnement des différentes structures ecclésiastiques, et au fur et à mesure du récolement, du tri des documents. Prendre son temps a ici été très important, pour comprendre tout ce que l’abbé avait pour mission, et avait un intérêt. En effet, il était directeur des œuvres de presse, de cinéma, de télévision dans son diocèse ; il s’occupait aussi des œuvres de jeunesse, et dirigeait notamment des colonies de vacances ou des camps scout ; il était aumônier diocésain auprès de l’action catholique ouvrière, il était secrétaire de la commission d’art sacré … En plus de cela, il était conservateur délégué aux objets d’art, il tenait une revue sur le patrimoine, et avant cela un journal, qui en cours de route, avait changé de nom et de gérant … Il a fallu donc détricoter tout cela, pour pouvoir bien classer les documents et, face aux vracs, savoir quel document relevait de quelle activité.

Le 81J comportait des archives de l’abbé Saussaye … mais aussi des archives d’autres prêtres récupérées par l’abbé Saussaye … des autres prêtres qui avaient eux-mêmes récupéré d’autres archives d’autres prêtres … Cela donnait un joli effet de mise en abîme, ou de fonds sans fond. La question qui se posait était donc la suivante : comment traiter ces archives provenant d’autres producteurs ? fallait-il les distinguer des archives du 81 J ou non ?
Dans la mesure où ces archives avaient été récupérées par l’abbé, que ce soit à titre de documentation, ou à cause de lien d’amitié, et qu’il avait pu y appliquer lui-même un certain ordre, le choix a finalement été de laisser ces archives dans le fonds de l’abbé Saussaye et de les distinguer en en faisant des sous-fonds. Ce choix s’est avéré pertinent, lorsque le second ensemble du fonds est arrivé, puisque j’ai pu retrouver une lettre de testament d’un prêtre, confiant ses archives à l’abbé Saussaye.

Dans ce fonds, il y avait du vrac à des degrés divers et variés … : des dossiers classés de façon chronologique par l’abbé, mais qui mélangeaient de ce fait les archives de l’Eglise, et les archives liées à son travail d’édition sur le patrimoine ou auprès du ministère de la Culture ; des dossiers classés par thématique/fonction, mais sans ordre chronologique ; des dossiers mieux classés, qui comportaient tout de même parfois des documents sans aucun lien le reste ; et du pur et simple vrac. J’ai pu retrouver de cette manière, en faisant le tri, un très beau document (une bulle papale en latin de 1686) … et dans une autre boîte des sachets de lessive des années 70-80. Le décalage était assez amusant à observer.

Charte retrouvée dans le fonds 81J © Anne-Lise Jamier
Document de l’abbé Saussaye datant de la Seconde Guerre mondiale © Anne-Lise Jamier

Le fonds était composé de deux ensembles : un premier déjà conservés aux Archives départementales ; un second, arrivé vers la mi-juin et donné par la nièce de l’abbé. Il fallait donc réfléchir à une façon d’articuler ces deux ensembles entre eux. L’utilisation du répertoire méthodique (qui ne se fait pas dans l’ordre numérique des cotes) s’est avérée utile ici, pour distinguer les ensembles, tout en les reliant entre eux.

Autres missions

Outre cette mission de traitement, j’ai pu aussi prendre part à la vie du service : répondre aux demandes des usagers, préparer les documents pour les consultations, être en salle de lecture … mais aussi découvrir un pan du projet d’archivage électroniques des Archives départementales de l’Eure et participer à la collecte des registres d’écrou de la maison d’arrêt d’Evreux.

Salle de lecture des Archives départementales de l’Eure © Anne-Lise Jamier

Cette dernière opération a été très intéressante, puisque :

D’une part, elle s’est faite dans un climat d’urgence un peu particulier (dû au milieu carcéral, qui oblige à des mesures de sécurité).

Elle montrait les difficultés pour le service producteur a gérer ses archives, en raison du manque de moyens humains, de moyens matériels, financiers, et du bâtiment en lui-même : celui-ci date du XIXème siècle. Il est ainsi très vétuste et pas du tout adapté pour conserver des archives.

A la suite de la collecte, ont été rédigé les bordereaux de versement, devant servir d’instruments de recherche. Pour une meilleure compréhension, nous nous sommes calqués sur un tableau de gestion de centre pénitencier comme la maison d’arrêt : distinguer ce qui relevait des registres de la comptabilité et les registres d’écrou, concernant la gestion des détenus. Tout cela en allant du général au particulier : commencer par les registres d’écrou classiques, puis finir par les registres d’écrou pour dettes, les registres des détenus à titre provisoire, des détenus passés devant le tribunal de simple police …

Pour finir, voici un petit même parmi tant d’autres, affiché par les archivistes du service, pour faire sourire (ou non) :

Article rédigé par Anne-Lise Jamier
Photo de couverture : salle de lecture des Archives départementales de l’Eure © Anne-Lise Jamier